dimanche 21 janvier 2024
mardi 20 juin 2023
Retour à MARSEILLE
Le petit train régional "ZOU" nous descend à bonne vitesse à travers la vallée de la Durance vers MARSEILLE (Ô bonne Mère) en passant depuis Manosque par les passages étroits et tunnels de Mirabeau récemment endommagés par des orages quotidiens. Puis l'unique voie s'élargit à partir d'AIX et on passe des bordures enrochées et plantées d'arbres avec quelques rares trouées laissant entrevoir la Durance et les monts couverts de garrigue qui l'enserrent, aux collines blanches et désertiques typiques de la région marseillaise.
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Banlieue de Marseille |
L'odeur de la mer mélangée avec celle des résineux emplit le wagon aux fenêtres grandes ouvertes. Ca sent alternativement le thym et la farigoulette, l'anis et la craie, le diesel et le poisson selon l'endroit que nous traversons: maquis, zone industrielle, grands ensembles, autoroute ou bord de mer. La proche banlieue n'est franchement pas terrible et nos cœurs se serrent en pensant à toute cette violence qui fait régulièrement l'actualité des quartiers de cette métropole.
ND de la Garde vue du train |
* avé l accent local
La GARE SAINT CHARLES
Hé bé! té! Nous y sommes. L'endroit style empire est à l'image des grandes gares françaises: multitude de quais rectilignes sous une immense verrière et hall grandiose où grouille une foule bigarrée.
Sortons vite de cet endroit transformé en galerie commerciale dont les enseignes stéréotypées ornent les grandes gares et aérogares du monde entier. Et c'est le choc...
ND de la Garde vue de l'esplanade de Saint Charles |
Nous voilà sur l'esplanade qui domine la ville. En face de nous, le ciel d'un bleu clair incomparable et à nos pieds la ville, poudrée de blanc d'où s'échappe une rumeur sourde. Dominant tout cela, omniprésente et éternelle, Notre Dame de la Garde sur son promontoire naturel.
L'esplanade de la gare Saint Charles |
Une odeur de fumée, de grillades, de pain chaud, de plantes aromatiques et aussi de terre mouillée et d'iode ajoute au plus complet des dépaysements. Ouaah! Marseille, ta beauté nous subjugue!
Après un long moment d'extase passé accoudés à la balustrade, le regard aimanté sur le panoramique, nous nous dirigeons vers l'escalier monumental reliant la gare à la ville. De nouveau nos sens sont mis en émoi dans ce décor vertigineux.
Représentation coloniale de l'Asie de Botinelly |
Cet harmonieux mélange architectural est totalement réussi et captivant si ce n'est le gout amer qu'il laisse au regard des peuples de ces grands continents rabaissés ici à l'image de femmes lascives de Louis Botinelly servies comme des mets au milieu de produits locaux.
Le PORT
Le Port. Marseille, JTM! |
Le petit train devant la mairie du port: pour 9 € il vous fait faire le tour de Marseille sans lever le cul |
Le fort St NICOLAS |
Les quais du Vieux port (mon bateau en 1er plan) ;) |
Le coin des pros |
MUCEM Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée
Le musée MUCEM |
L'intégrité du port est gardée par les forts Saint Jean et Saint-Nicolas. Ces 2 forts sont construits sur des éperons rocheux qui ferment naturellement le port. On peut accéder au fort Saint Jean par le haut grâce à une passerelle rectiligne en deux parties qui vous emmène au Mucem jusqu'à présent invisible depuis le vieux port puisque caché par cet édifice.
Planté sur une grande esplanade apparait cette grande boite grise ajourée à la façon de ces boites à bijoux qu'on trouve dans les bazars orientaux. Bien que ces dimensions soient hors norme, sa position sur l'immense champ de pierres blanches arasées que constitue la gigantesque esplanade quasiment nue sur laquelle elle est posée, la font paraitre plus petite qu'elle n'est en réalité.
Le MUCEM vu de la mer |
Nous faisons le tour de cet étonnant bâtiment au pas de course. Il faut dire que le regard a vite fait l'observation de sa forme minimaliste et de sa structure préfabriquée et que la chaleur devient insupportable.
La MAJOR (Sainte-Marie-Majeure)
Le flot de touristes observe de loin ce MUCEM surexposé à l'allure de four à micro-ondes stylé attirés comme des fourmis par la promesse de miellat qu'évoque la plastique incomparable de la MAJOR, la cathédrale Sainte-Marie-Majeure.
C'est vrai qu'elle se remarque de loin par ses dimensions et ses formes généreuses et la vue dégagée sur l'embarcadère des Ferries et paquebots.
Quel heureux et génial à-propos entre le célèbre Nounours en gélatine "oversizé" si finement exécuté en résine et le contour massif de la Majeure. Il y a matière à méditation... |
On dit qu'elle a été construite sur d'autres cathédrales plus anciennes et que quelques restes de ce passé ont été conservés dans le monument actuel. De style byzantin comme le souligne ses arcs alternant pierres colorées vertes ou rouges (porphyre) et blanches (marbre, calcaire), l'actuel bâtiment date de Napoléon III.
Fourmilière ou termitière, un flot ininterrompu de visiteurs et de fidèles rentre et sort par l'imposant porche.
La "MAJOR" |
L'intérieur est magnifique, orné de mosaïques du sol au plafond avec de multiples chapelles autour de la nef où, non sans émotion, nous voyons les Marseillais et visiteurs faire leurs dévotions à Marie Major.
La VILLE
Si on quitte le bord de mer et les grandes artères, les rues deviennent étroites, parfois d'une largeur à peine suffisante pour faire passer une voiture. Ca monte, ca descend, Marseille n'a pas la platitude d'autres capitales et, pour cela, ressemble beaucoup aux villes de la COTE D'AZUR fondées sur un littoral étroit dominé par un relief montagneux.
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Marseille, vue de la colline de NDDLG, avè les pitchounes qui redescendent après la visite |
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Le vieux Marseille : le panier |
Cependant, les quartiers que nous avons traversés souffrent d'une grande précarité et ce que les touristes réjouis que nous sommes considèrent comme typique pourrait bien être un quotidien restreint et contraint par le manque de moyens.
Les Bains Douches |
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Les grafs de Marseille |
Vue la différence entre la grandiloquence des monuments publiques face à la rudesse d'une grande partie de l'habitat, on pourrait se demander si la maigreur constatée de la population Marseillaise y logeant n'est pas la conséquence de celle des idées des gestionnaires urbains.
NOTRE DAME DE LA GARDE
Le bus N° 60 nous conduit sur la pente raide et étroite menant à l'église. Nous ne sommes jamais montés là-haut. Le chauffeur est un expert: il circule du bout des doigts à travers un méli-mélo de voitures, de scooters, de piétons, de poubelles et de barrières à travaux sans un signe d'énervement, sans un à-coup, frôlant les obstacles, passant au raz des précipices. Le chauffeur me l'a dit sans fausse modestie: "Les chauffeurs Marseillais sont les meilleurs du monde".
GOOAAALL! |
Les dimensions de l'église sont moins impressionnante que celles de la "MAJOR" mais le style reste le même. Par contre, sa répartition par étage à cause du relief est très originale et pleine de surprises.
La Bonne Mère |
Un escalier monte à l'étage mercantile ou un restaurant et des magasins de souvenir satisferont les plus fortunés et des toilettes soulagerons les vessies.
Le coeur de NDG avec ses bateaux |
RETOUR
Et voilà, il est tard il faut rentrer. Le temps d'un café en terrasse chez d'aimables commerçants parlant sans accent et nous voilà dans le bus du retour. Un crétin sans gène s'est garé sur des clous en plein virage empêchant aux bus de sortir la gare routière et bloquant les pompiers en pleine intervention; tout cela pour ne pas payer le parking...
Dans nos têtes défile le film de la journée. Aujourd'hui encore les images apparaissent avec précision. Mais nous n'avons pas tout vu, tout senti, tout ressenti. Marseille... ? I'll be back, peuchère!
lundi 10 avril 2023
PAPI
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Papi en officier avec son cheval qui l'emmenait partout. |
Ils s’appelaient Ismaël, Narcisse, Lucien, Gaston, Marcelle, Claire ou Magdeleine et ils ont participé à la première Guerre mondiale de 1914 sans qu’aucun d’eux n’évoquent leurs cruels souvenirs.
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Narcisse avant de partir au combat |
Ainsi nous nous sommes intéressés au passé d’un des leurs que nous avons brièvement connu : Ismaël-Louis dit Papi. Qu’allions nous découvrir et que cachaient ces objets retrouvés dans les greniers : une paires de molletières en cuir, 2 chemises Américaines Kaki, un étui de flingue en cuir et des jumelles graduées.
- Né le 13/7/1890 à Hauterive dans la Drome.
- Mort du Père Pierre agriculteur en 1904
- Engagé volontaire en 07/01/1905 (il n’a que 15 ans ! *)
- Brigadier en 1909
- Renvoyé dans ses foyers en 1911 à sa majorité alors à 21 ans.
1er aout 1914 la guerre éclate ; rejoint le 38eme d’artillerie .Son unité part pour les Vosges pour soutenir la reconquête de l’Alsace-Lorraine dans la bataille de Mulhouse.
Il est alors artilleur, officier de liaison dans une batterie de canons de 75.
Il combat jusqu’en septembre à Saint Benoit, Bru la Chipotte, Raon l’étape où les soldats ennemis pillent les territoires pris
Puis d’octobre 1914 à mai 1915 il est actif sur les crêtes des montagnes au Mont du LOUPMONT et dans le Bas-Jura.
Ensuite, il est dans la région de Flirey, au Bois de Mort-Mare.
Puis on le retrouve de Mai à juin 1916 au Violu, à la Tête des Faux où les « boches » mènent une attaque le soir de Noël et au tristement célèbre LINGEKOPF (17 000 morts dans les 2 camps)
Mais les lignes de front évoluent peu dans les Vosges et il est appelé pour arrêter l’avancée allemande dans le nord du pays et participer à la grande boucherie qu’a été la bataille de la somme de juillet à novembre 1916. Maurepas, Soillisel, Combles, Rancourt ; ces noms résonnent comme autant de coups de glas sur le bourdon des églises.
Dès décembre 1916, le revoilà sur le front de l’est à Hartmanwillerkopt (40 000 morts) jusqu’en septembre 1917 où on le voit au fort de Brimont prés de Reims (où les russes combattent à ses cotés) sur le site du Chemin des Dames, à Berry au bac à la cote 108, à Craonne, Hurtebise, où des centaines de milliers d’hommes de toutes races et de tous pays ont été sacrifiés.
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Verdun : un soldat inconnu enseveli debout, seul la baïonnette de son fusil dépasse. |
Puis les armées alliés l’emmènent se battre a Aubvillers au Bois des Arrachis, à Neuville, Saint Bernard pour ramener l’ennemi d’où il venait avant d’entrer en Belgique désormais libre en Aout 1918.
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Croix de guerre d'Ismaël-Louis retrouvée dans les décombres de sa maison incendiée |
Et à partir de là, patatras! il chope la grippe Espagnole apportée par les troupes alliés. Ce virus comme la COVID attaque les voies respiratoires et à l’époque peu de gens en réchappe. Il se voit mourir de cette saloperie alors même qu’il a traversé tous les enfers, éprouvé sa résilience aux blessures du corps et de l’esprit. Très pieux, il prie pour qu’on lui épargne la souffrance et la mort; alors qu’il lui reste un filet de vie, son Dieu lui envoie un ange…
Les Anges Blancs et Marraine de Guerre
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Carte postale allégorique glorifiant le travail des "anges blancs" volontaires pour soigner les blessés de la grande guerre (carte postale trouvée au Marché Dauphine des puces de Saint OUEN) |
Il n’empêche que, rapidement, cette guerre s’est avérée une gigantesque boucherie avec un lot incroyable de blessés horriblement mutilés et les hôpitaux prés du front étaient incapables d’accueillir tous ces mourants. C’est ainsi que fût organisée l’évacuation des blessés transportables vers les villes de l’arrière équipées de structures hospitalières et desservies par le rail dans des trains hôpitaux.
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Portrait de Marcelle par sa cousine germaine Clairette dans le bureau de recrutement militaire pour devenir aide-soignante bénévole auprès des soldats blessés. |
Mais que faire de tous ces « patients » si on n’a pas le personnel pour les soigner ? C’est là que sont intervenues les associations de femmes d’aide aux soldats, proposant à leurs membres sur la base du volontariat de participer à l’effort de guerre au chevet des malades ou blessés. Rennes est ainsi devenue un point névralgique de soins aux victimes. Est-ce là que la Jeune et jolie Marcelle est adoubée membre d’une de ces associations (future Croix Rouge) à un peu plus de 20 ans et à été recrutée comme « ange blanc », c'est-à-dire aide-soignante auprès du contingent sur le flanc ? Et est-ce la volonté divine par les prières d’Ismaël-Louis qui ont fait qu’il a été évacué avec bon nombre de ses frères d’arme vers Rennes ? Nul ne sait. Toujours est-il que ces deux-là se sont trouvés par cette dramatique entremise et plus jamais quittés…
Epilogue
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Ismaël-Louis (a gauche) en 39 à Bergerac avec son pote du moment. (Probablement convalescent après une blessure, il se tient à la rampe du perron et au bras du collegue) |
Précisions
En 1914, la législation sur l’engagement militaire correspond au titre IV de la loi du 21 mars 1905 sur le recrutement de l’armée. Selon ses termes, les jeunes gens volontaires ont le choix entre deux formulaires d’engagement : une durée déterminée de trois, quatre ou cinq ans en temps de paix, ou pour la durée de la guerre en cas de conflit. L’engagé jouit d’un certain nombre d’avantages comme le fait de pouvoir choisir son arme : cette possibilité qui leur était offerte permet sans doute d’expliquer certains engagements survenus peu de temps avant l’appel réglementaire, qui peuvent alors être considérés comme des stratégies d’évitement. Les jeunes gens doivent être âgés de dix-huit ans révolus et obtenir le consentement de leurs parents s’ils ont moins de vingt ans. Toutefois, un décret pris le 6 août 1914 autorise les engagements à partir de dix-sept ans. En outre, un jeune engagé ne peut être ni marié ni chargé d’enfants en raison d’un veuvage. Ce sont les mairies des chefs-lieux de canton qui reçoivent les engagements (un conseiller municipal accompagné d’un militaire). Malheureusement, les deux registres d’actes d’engagements couvrant la guerre sont manquants aux Archives communales de Digne ce qui fait que nous n'avons pas eu accès aux détails de la situation d'Ismaël à ce moment-là.