Portraits photographiques de famille et guerres.
Depuis que la photo existe, les albums de famille se sont
constitués. C’est à partir du milieu du 19eme siècle (1850) que ce procédé
s’est vraiment industrialisé. Le portrait photographique désormais reproductible
à l’infini tenait alors place de carte de visite.
On s’échangeait son image réalisée chez le photographe après
une longue pose dans un décor luxueux ou un fond neutre.
On mettait son plus beau costume ou son uniforme, sa plus
belle robe pour les dames, puis on faisait un petit tour chez le coiffeur avant
d’immortaliser sa silhouette sur un carton de qualité.
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Ces beaux messieurs fin 19eme |
Les temps de pause était long (plusieurs minutes) ce qui
explique le regard vitreux de certains portraits du aux battements des paupieres. Partout prospérait ce petit commerce qui nécessitait de
multiples manipulations et un sens artistique développé (normal en
photographie).
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Partout dans toutes les villes florissait le commerce de ce nouvel art : la PHOTOGRAPHIE |
Cependant le prix et l’absence d’appareil légers produisant
des instantanés faisaient qu’on immortalisait uniquement les événements
exceptionnels.
Les périodes militaires en faisaient partie. L’apparat de
l’uniforme justifiait qu’on se fasse tirer le portrait, sans compter qu’en
période de guerre la photo pouvait devenir l’unique souvenir d’un héros mort au
combat.
Après la défaite de
la France sous Napoléon III et l’effondrement de l’empire, les Prussiens
encerclent Paris qui organise sa défense.
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Allégorie symbolisant la résistance héroïque des Parisiens à Courbevoie aujourd'hui quartier de la Défense |
Les hauteurs qui entourent la capitale sont prises par les
Prussiens, réduisant ainsi les héroïques forces parisiennes à leur implacable
domination.
le Parc de Saint Cloud: La terrasse où étaient installés les canons Prussiens. On voit ici les boulets. |
Meudon, Saint Cloud, l’Hay les roses, Villejuif portent
encore les traces des terribles combats.
On a amassé dans des fosses communes des cimetières environnants des
centaines de cadavres dont la plupart n’a pas pu être identifiée.
C’est peut-être dans une de ces fosses que les restes de
Théophile reposent. Il était facteur à la halles aux blés et habitait à Paris, au 38 rue de la Bourdonnais.*
Vue sur Paris du château de Meudon où les bombardements furent intenses en 1870 |
Soubassement de la retoude de Villejuif mis au jour par le chantier du métro de projet "Grand Paris" |
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Cimetière de l'Haÿ: Les fosses Allemandes et Françaises contenant les restes des combattants Anonymes tombés en 1870 |
(*) Finalement, nous avons retrouvé sa trace mais pas ses restes. Il a été enterré au Pére Lachaise, à l'époque pas encore surexploité, dans le caveau familial
Agé de 35 ans et marié, 2 petites filles, il avait réussi à envoyer sa femme et ses filles en Bretagne avant d’être recruté par la Garde Nationale. C’est là qu’il a contracté la variole(*) qui l’a emporté comme un grand nombre de ses compatriotes.
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Théophile en garde national. Dernière photo avant de disparaître. On voit bien qu'il flotte dans son uniforme sans doute amaigri par la disette imposée par le siège des Prussiens à Paris. |
Agé de 35 ans et marié, 2 petites filles, il avait réussi à envoyer sa femme et ses filles en Bretagne avant d’être recruté par la Garde Nationale. C’est là qu’il a contracté la variole(*) qui l’a emporté comme un grand nombre de ses compatriotes.
(*) Malgré la vaccination des
populations, la variole a progressé en 1870 car les vaccins prodigués
nécessitaient un rappel. Le regroupement des hommes en temps de guerre a
probablement été un facteur favorable à la propagation de la maladie (on parle de 20 000 morts).
Il n’empêche que, malgré la paix négociée à prix d’or et l’annexion
de l’Alsace puis l'insurrection de la Commune et ces terribles exécutions et déportations, la société Française continue son recrutement pour
son armée pendant les années qui suivent et la conquête de nouveaux territoires
en Afrique et ailleurs.
Et voici un de nos ancêtres posant fièrement dans son
uniforme de ce qui doit être le régiment de cavalerie légère du 10ème
Corps d’Armée du Train des Equipages basé à Fougères (les 7 rangées de cordons
sur sa veste font penser à un Hussard).
Un autre probablement dans l’uniforme du 2eme régiment d’artillerie
( ?) (c’est a vérifier).
Ainsi prés de 40 ans sans conflit en Europe allait nourrir
un sentiment de revanche vis-à-vis de la nouvelle nation allemande qui allait
plonger le monde dans l’horreur la plus totale.
La grande Guerre 14-18
Chaque village possède son monument aux morts pour la France
avec les noms des victimes des atrocités perpétuées au nom de la nation.
Monument aux morts de FREHEL |
atelier Ch. Champigneulle vitrail commémoratif de la première guerre mondiale (1921) de l'église Saint MALO à DINAN |
Cette année commémore la fin de cette immonde boucherie.
Dans l’album de famille se trouvent quelques clichés d’un militaire qui titille notre
curiosité.
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Lucien |
Il s’agit de LUCIEN notre grand père maternel. Un numéro
(100) sur le col de son uniforme indique son régiment : c’est le 100éme
régiment d’infanterie basé à Tulle en Corrèze.
A cette époque, la photo instantanée existe, les temps de pause sont très courts et le matériel photographique parfaitement transportable (les premiers « BROWNIE Kodak » utilisent une bobine de film en rouleau).
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Lucien et son régiment |
Autour des casernes, l’activité bat son plein et on fait des
cartes postales des bataillons partant au combat que les soldats envoient à
leur famille. Combien de ces visages disparaitront dans la boue des tranchées
réduits en pièces par la mitraille.
Papy Lucien malgré tout sourit, mais c’est pour la
postérité.
A l’époque, le cheval est encore le principal moyen de
transport. Les officiers ont à disposition de braves chevaux qui leur servent
de montures.
La ration de pinard
Depuis les
récits de conquêtes des romains, on connaît l’usage de la divine boisson (le
vin) dans les conflits entre nations. Les romains abrutissaient leurs opposants
barbares en leur offrant du vin pendant que d’autres encourageaient leurs
troupes à l’agressivité en les enivrant.
Le premier
et second empire prévoyait un peu de vin dans la ration journalière de son
soldat.
Au début de
la guerre 14-18, la ration quotidienne de vin était de ¼ de litre qui, à cette
dose, devait suffire pour « apaiser » le soldat survolté par
l’action. Cette dose fut doublée en 1916, l’horreur des combats étant devenue
insupportable, puis augmentée par 1/4
jusqu’au litre par jour ( !).
Au début du
conflit, les fournisseurs étaient les pays de Loire et lyonnais avec du Macon
et du beaujolais. Le vin titrait 8 à 9 °
et était transporté en barriques directement du lieu de production au
front.
Avec
l’augmentation des doses, les régions limitrophes des conflits n’ont pu
alimenter la demande et commença l’arrivée de vin des régions à haut rendement
viticole mais de moindre qualité et plus fort comme le Midi mais aussi des
colonies Africaines comme l’Algérie qui fut mélangé aux vins régionaux.
A l’époque,
l’usage du verre n’était pas généralisé et il était consigné. A part quelques
divins flacons réservés aux gouvernances et hautes bourgeoisies, il fallait
payer sa bouteille ou venir avec à la tireuse (bouteille d’un litre garanti).
Cette pratique a été utilisée jusque dans le années 1960 où le vin dit de qualité supérieur était livré en tonneaux consignés de100 litres environ
(feuillette) puis mis en bouteilles dans des bouteilles lavées et réutilisées.
Le Bordeaux Sup et autres vins de la Loire ou Minervois étaient conservés dans
un tas de bouteilles au format disparate (70; 72; 78; 100 cl ) recyclées à la prochaine livraison.
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Extrait de "La France industrielle" de P. POIRé en 1873 |
Cette pratique a été utilisée jusque dans le années 1960 où le vin dit de qualité supérieur était livré en tonneaux consignés de
Bouteille de bordeaux de 1956. La contenance est de ....72 centilitres ! Même avec cette bouteille entre les mains, certains continuent d'affirmer que la contenance de 75 Cl a toujours été la norme imposée par le galon anglais . Délirez sur internet: il en restera toujours quelque chose.
En 1914, la
lutte contre l’alcoolisme était très présente. Malgré que le gouvernement
autorise des doses excessives pour ses soldats dans le but certain de les avilir,
les associations antialcooliques considéraient que la dose journalière maximale
de vin ne pouvait excéder 0,75
litre .
Bien que
certains savants nés à Marseille et conçus à la Saint PICRATE ont prétendu que
la victoire de 1918 a
été due au « litron ou kil » de « pinard », la modernisation
de l’industrie aidant avec des contenants en verre très bon marché, raison a
été donné à la lutte contre l’alcoolisme en installant un standard Français à 0,75 l . Il faut dire que
l’instauration de la cotisation sécurité sociale sur les alcools a aussi
beaucoup aidé : tout comme font les distributeurs pour la taxe sur le
sucre, les pinardiers ont diminué la contenance de leur bouteille en la passant
à 0,75 au lieu de 1 litre
en gardant le même prix de vente ce qui augmentait encore leur bénéfice. Du
coup, même les litrons en plastique se sont mis au régime et ont mis les beaux
atours des vins prestigieux. On est bien loin du délirium pseudo scientifique
de pourvoyeurs de pochetrons qui essayent de démontrer par une conversion
arrondi en notre défaveur que les exportations de vinasse vers chez les anglo-saxons
dictent la contenance de nos flacons.
Il n’en
reste pas moins que la trace d’un hypothétique effet bénéfique du vin pour la
santé reste gravée dans nos mémoires (même notre président dit en boire lui-même
2 verres par jour) alors qu’il profite surtout au bien-être et possessions des
revendeurs.
A suivre …