Cours de dessin au début du 20eme Siecle Musée CARNEVALET de Paris |
Les établissements et les situations décrits ci-dessous sont ceux d’il y a plus d’un demi siècle. L’enseignement de ceux qui subsistent aujourd’hui ne se fait plus séparément filles et garçons. Il n’est plus question de confession dans la sélection des élèves quoique l’orientation reste fidèle aux principes du catholicisme.
ECOLE ET COLLEGE
Alors que l’actualité regorge d’éléments liés à l’école, nous tombons sur un vieux dossier sentant le papier moisi dans lequel se trouvent des vieilles photos de classe et des carnets scolaires ainsi que de la correspondance épistolaire dans ce sujet.
Mais quel fut le quotidien de ces visages figés sur le bromure d’argent ? Avant de les passer à la reconnaissance faciale de notre IA préférée sans plus de succès, attachons nous à l’un d’eux que nous nommerons Michel.
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| Photo de Classe en 1945 |
Voici donc notre écolier, Michel, quelque part sur les rangées de l’estrade de cette photo de 1945. La guerre vient de finir. Il a quoi? dix ou onze ans, peut-être plus. Sa scolarité depuis qu’il est rentré en classe s’est faite devant le portrait d’un vieux Monsieur à moustache à qui, chaque matin, il devait reciter un texte auquel il ne comprenait rien ou chanter une espèce de marche militaire. On lui a appris à se jeter sous la table dès qu’il entendait la sirène ou à courir vers les caves. Il devait reconnaitre les panneaux et leur sens écrits dans une langue qui n’était pas celle de sa famille. Dehors, il y avait ce grand type tout en vert, casque et mitraillette qui était là au carrefour à l’heure de la sortie des classes. Après, il fallait marcher, marcher, marcher. Heureusement qu’on lui a dit que son père est revenu de son travail à l’étranger car il n’a pas reconnu ce gars qui maintenant signait ses carnets de notes et lui collait des tornioles quand il faisait pleurer sa mère.
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| Les signatures des èleves présents sur la photo. Certains signent avec la croix scout de France. Il se peut qu'il y ait des survivants sur cette liste auquel cas nous les saluons avec un grand respect. |
Et puis quoi? Ah oui, Comme Michel est issue d’une famille de fonctionnaires catholiques, il va à l’école “du curé”, c’est à dire un établissement ‘libre’ géré par des religieux. Hiver comme été, il porte une veste et un pantalon court avec une paire de chaussettes longues tricottées et des chaussures en cuir épais avec des fers dans les semelles pour ne pas les user et dès le collège, la cravate est obligatoire. La discipline est sévère et les loisirs très encadrés. On ne lui dit rien des dernières années et il ne comprend toujours pas pourquoi ses ‘libérateurs’ ont détruit sa maison et tué sa mami et son papi sous leurs bombes.
Bref! sur la photo de 1945 Michel sourit largement, vivant pleinement l’instant présent comme tous les enfants. Au centre, un ecclésiastique à la tête de zombi à qui on hésiterait de lui demander de nourrir son chat entouré de deux jeunes et beaux garçons, préfets (surveillants) de la dite école. La composition est parfaite: au centre de ces petites âmes le représentant de la divinité entouré et protégé par deux éphèbes au visage grave. On imagine par vagues concentriques autour de la triade (comme dirait Monsieur Pervers) classés par ordre de mérite les personnalités déjà bien marquées, du chouchou au cancre. Cette constatation arbitraire est contredite par un tri logique: les petits devant, les grands derrière : tous visibles devant l’impartialité de l objectif; l’imagination fera le reste.
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| Même photo de classe dans la même classe de la même école 20 ans aprés ... |
20 ans ont passé et notre Michel version 66 n’a pas changé depuis 1945. Toujours en veste-cravate, la différence est qu’on l’a averti qu’il devait en porter le jour de la photo. Pour ceux qui ont oublié, ceux qui sont déjà passés et qui font la même taille leur prêtent la leur. Le petit curé de 1945 est passé chanoine et il y a même de femmes profs et visiblement, il y a plus élèves. Les chouchous et autres fayots ou lèches-culs cafteurs gravitent plus que jamais autour de la collégiale.
Notation
L’autre soir à la télévision l’humoriste BOODER venu faire la promotion de son livre “AH, L’ECOLE...” narrait comment ses mauvaises notes lui valaient de solides corrections de la part de ses parents. Il venait ainsi ajouter son nom aux brasse-bouillon, poil de carotte, Remi, Cosette, et autres Soyer et Twist de la liste des enfants martyrisés. Notre Michel n’échappe pas à la règle. Ses faiblesses dans son apprentissage sont systématiquement mis en exergue par ses professeurs et son succès, voire son excellence dans certaines matières minorées ou passées sous silence. C’est un effronté qui fait ce qui lui plait à leur dire.
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| Le carnet de notes : toujours BIEN, mais.... GARE à la danse! |
Du coup, l’amour parental qu’il n’a de cesse d’espérer se transforme en calvaire à chaque remise de carnet et les coups pleuvent ainsi que les brimades et punitions. Preuve est faite que les admirables écrits de Bazin, Renard, Malo, Twain, Dickens et Hugo (entre autres) ne servaient en rien la cause enfantine du moins dans les lieux éducatifs, et même légitimaient une certaine violence. Songez, l’élève Michel a du se cacher pour lire Vipère au poing qu’il avait subtilisé dans la bibliothèque de son père. Cet ouvrage diabolique mettant en cause l’autorité parental et l’image maternel ne pouvait exister aux yeux de certains.
Punition rétorsion
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| Bon... les gars, vous le nourissez pas assez le p'tit! |
Sans doute les années de guerre modernes ont-elles marquées plusieurs générations notamment les classes du milieu. La rétorsion vécue durant ces funestes années marquaient la limite ultime en dessous de laquelle presque tout était permis. Une violence mesurée était alors tolérée, voire recherchée y compris de la part des encadrants scolaires. Michel par sa différence est une cible de choix:
• A 6 ans il est collé le dimanche pour avoir dit un gros mot à sa maitresse qui le harcelait.
• Plus tard il sera mis au coin, mis au fond de la classe, placé sous le bureau du maitre.
• Il a eu droit à se faire frapper le bout des doigts réunis avec une règle.
• Le supérieur de l établissement lui cassera le nez parce qu'il ne baissait pas les yeux
• Son prof d’anglais ecclésiastique lui cassera un balai sur le dos sans raison avouée
• Son prof de philo, un père catho, le frappera au visage pour une mauvaise passe lors d’un match de basket intra-scolaire
Harcèlement
On a coutume de dire: la vie c’est comme la cour de l’école. Il est vrai que les menteurs, les traitres, les voleurs, les profiteurs et même les assassins ont tous été un jour à l’école. La noble institution qui tente de faire de nous des humains ne saurait faire de différence au regard des principes inscrits sur ses frontons surtout celui d’égalité. Ses professionnels n’auront donc de cesse d’essayer de faire entrer tous les œufs dans la boite sans apercevoir que seule la boite peut être modifiée. Bien sur, cette approche est schématique mais beaucoup s’accordent a dire que les règles que s’imposent les humains ne sont pas celles de la nature.
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| Doux Jésus: cet insolent rafle 2 premiers prix et est 4 fois sur le podium! Sortez moi ce poète-musicien nul en Maths et écriture ; il n'a pas sa place dans la normalité! |
Pour ceux qui sont issus de grandes famille, les relations entre frères ou sœurs est souvent de nature conflictuelle. Sans revenir sur les grands auteurs cités plus haut, les émissions pour la jeunesse décrivent parfaitement ces conflits, des Sisters aux Loud’s et de Molusco à Bob éponge (pour ne citer que les plus accessibles). Michel qui a lu Pagnol et Genevoix vit par intermittence la vie idyllique des petits Marcel et Maurice du Château de ma mère et de la boite à pèche et celle chaotique de Brasse Bouillon de Vipère au poing.
Michel et son cercle composé de voisin(e)s cousin(e)s et frangin(e)s de différents âges joue son rôle, fantasque et blagueur, jamais violent. La joyeuse bande fréquente les mêmes écoles et ses bravades font le jeu des plus petits qui dénoncent les plus grands eux-mêmes chargés de la surveillance immédiate des plus petits. La plus part du temps, c‘est pour couvrir leurs bêtises; genre: “j ai mis le feu mais c’est Michel qui m’a donné les allumettes” ou “il m’a dit que je pouvais faire ça”. L’innocence étant systématiquement reconnue aux plus jeunes, Michel se retrouve plusieurs fois embringué à tord dans les récits des “cafteurs”.
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| Va-t-on à l'école comme on va à l'armée et y être condamné? |
Et voila Michel convoqué en conseil de discipline pour avoir troublé la classe en lançant une boule puante. Le voici debout en face de ses profs alignés façon cour martiale sans possibilités de se défendre (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui) pour entendre une sentence : viré! On en profite pour ajouter à cette condamnation les allégations mensongères des petits en les parfumant de sous-entendus putrides, se débarrassant ainsi d’un témoin en pleine adolescence de la violence de la gouvernance dans le contexte revendicatif de la fin des années 60.
Internement

Billet d'admission en cours en cas de retard. L'admittatur est un mot latin signifiant qu'une personne avait suffisamment de connaissances pour être admis à l'enseignement pour devenir prêtre.
Il lui faudra définitivement partager son espace avec la centaine de joyeux camarades de chambrée dans une saine conscience ouverte de 7h du Matin à 21h le soir. Il ne vivra pas l’exaltation générale post-68 et la libération des mœurs. Voilà comment on brise les existences en éliminant au nom de la profitabilité ce qui nous gêne alors que c’est nous qui gênons.






